OKC: l’éveil des enfants-guerriers #okcinfo

À travers les récits de Nele et Senge (prénoms d’emprunt), l’idylle de cette éducation au grand air bercée de spiritualité prend une tournure plus sombre. Dès 5 ans, ils vivaient au château de Soleils sans leurs parents, hormis lors de visites estivales. Leurs mères ont rencontré Robert Spatz à l’âge de 16 ans, alors qu’elles étaient en rupture familiale. C’était vers 1972, date de la fondation d’OKC en Belgique.

Maltraitances dans les murs du château

« Nos moments de jeu donnaient l’illusion à nos parents qu’on était heureux, évoque Nele. Mais, c’était l’armée ». Entre les heures de temple matin et soir, il y avait la course matinale, les 108 prosternations, les cours et les corvées agricoles. La règle d’or imposait jeûne, confession publique voire enfermement dans des cellules de ressourcement selon la gravité des fautes.

« On n’avait pas assez de gens compétents pour s’occuper de nous », estime Nele. Des carences ont été constatées. Certains parlent de blessures mal soignées, de traitements homéopathiques sans fin, de douches hebdomadaires, sans chaudière les premières années. « On devait s’asseoir sur un bidon sans nos culottes, jambes écartées, et il nous coupait les ongles. » Cette manie du responsable des garçons que décrit Nele à ses 7-8 ans en masquait une plus grave dans le dortoir : « On se bordait toutes et on faisait le mort pour éviter, après ses bisous de bonne nuit sur le front, que ses grosses mains ne se baladent sous les draps… ». Après qu’une de ses favorites l’a dénoncé, il lui a été interdit d’approcher des enfants. Une condamnation peu sévère en comparaison de leurs punitions : courses pieds nus sous la pluie comme sur la neige, châtiments corporels par son remplaçant… « Il avait un ongle toujours pointu pour régler l’alarme de sa montre à clavier digital, se souvient Senge. Au bip, il prononçait ses sentences. Des garçons étaient fréquemment convoqués dans sa chambre. Il avait des piles de mouchoirs en tissu, pliés méticuleusement. Il t’enfournait le sien dans la bouche et te mettait ventre au sol pour la leçon. Il baissait ton pantalon et se servait d’un bâton du bois de son choix et de ses poings pour te rouer de coups. » Un de ses successeurs passa encore ses colères frénétiques sur eux.

Dans les années 90, le suivi des enfants a été amélioré ; la musique classique est entrée au château qui s’est ouvert au monde à travers les revues Géo ou l’émission Ushuaïa. Mais, les plus de 13 ans n’ont pas connu cette accélération de la mise aux normes.

Un endoctrinement guerrier

Cette génération a été envoyée au monastère de Mu au Portugal. La culture d’économie était exacerbée pour s’approcher d’une vie autarcique entre jeunes. Ils géraient quasi seuls leurs cours par correspondance.« Spatz critiquait l’école, l’histoire vue par le système, déplore Senge. Nos scolarités se terminent en une espèce de nuage de fumée. C’était martial. On courrait entre les points d’activités. On faisait 2-3 heures de karaté par jour sur du béton. »Une nuit, Senge est réveillé à l’arrivée du lama : « Sa tribu débarque avec ses caravanes : chapeaux feutrés, gilets en cuir, foulards… Ces musiciens commencent à danser. Spatz n’a plus que rosaire et bracelets du folklore tibétain. Pour beaucoup, il était à l’image de ces troubadours de la littérature tibétaine dont tout le monde acceptait les frasques. » Robert Spatz est revenu régulièrement à Mu. « C’était différent des enseignements publics, continue Sengue. Il nous baignait dans l’idée de la fin du monde. Ça m’a pris des années à me déconditionner. S’il glissait une info du JT, ça prenait une dimension énorme. Il répétait qu’on devait s’entraîner, défendre notre lopin de terre, qu’on était des guerriers, que du sang allait couler… On y a cru parce qu’on n’avait pas d’autres références extérieures. On a eu des manurhins pour faire la garde, dressé nos chiens à la garde, fabriqué des arcs, des couteaux… En 96, sous la pression des enquêtes parlementaires, les armes sont balancées dans des étendues d’eau ».

Des vierges en proie au gourou

Nele n’a pas été pas formée à devenir un de ces « soldats de l’apocalypse ». Plus privilégiée encore, elle a connu dès 12 ans le faste de ces fêtes gitanes au camp de Robert Spatz en Espagne : « J’ai découvert le champagne, le caviar à la cuillère… » A son niveau spirituel, il disait ne plus devoir évoluer dans la pauvreté. Ses enfants vivaient d’ailleurs une vie normale à Bruxelles.« Il m’a dit que si je m’occupais de son fils, il resterait », affirme Nele lorsqu’elle décrit la place accordée aux femmes. « Après une soirée de beuverie où il est à peine conscient, on nous met ensemble dans une caravane ». Entre les quarantaines médicales attribuées à la peur des maladies du lama, Nele reçoit des massages pour soulager un mal de dos persistant : « Il me fait venir à plusieurs reprises, mais ça devient de plus en plus à des endroits que je ne comprends pas… » A ses 15 ans, alors qu’elle est en France, elle est à nouveau convoquée : « C’était cérémonial, dans le noir avec des lampes. Je crois qu’il était nu, en tout cas en bas. Y. regardait. Ca a été des doigts, des attouchements… Là, c’était clairement sexuel. On m’a dit «tout ce qui se passe ici est secret». C’était comme avoir reçu quelque chose ». La femme – mentionnée comme témoin ou complice – est citée par une autre victime. Sous prétexte d’ouvrir une voie prétendument élitiste vers des énergies supérieures, une fille l’accuse de rituels d’inspiration tantrique routiniers jusqu’à attendre qu’elle concède, mineure, à des actes sexuels sous le poids de ses arguments, de menaces d’enfermement et de son corps nu allongé sur elle. S’il nie ces faits, il a toutefois admis, en réaction à une autre plainte, s’être livré à un rituel initiatique en perspective de dévirginiser une jeune adulte.

Travail et dépendance

« Pour récupérer les gens, si tu allais mal, tu avais rendez-vous et il te redonnait une raison d’être ciblée », apprécie Senge. Comme Nele, il se retrouve ainsi à faire tourner des restaurants dès 15-16 ans. Après les perquisitions, ils recevaient de petits revenus d’indépendant, desquels OKC déduisait loyer et autres charges leur laissant environ 200 euros d’argent de poche. En 2005, une des collègues de Senge à Bruxelles a largement déclaré avoir subi mineure des abus sur plusieurs années : « La communauté dira qu’elle est folle. Elle le vit très mal et on l’hospitalise. Je pressentais que la mettre sous médication c’était risquer de la perdre et la décrédibiliser encore ». Après ça, il a progressivement rompu sa dépendance envers OKC et détaché la pensée bouddhiste du spatzisme. Nele a déposé plainte en novembre :« On devra prendre en charge nos parents. J’espère que la justice leur laissera un lieu commun en dédommagement. »

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