Communication interne circa 2006 – Jigmé Khyentsé Rinpotché

Chers frères et sœurs

Depuis mon retour en Europe, certains d’entre vous, surtout des jeunes, m’ont posé une multitude de questions traitant du Bouddhisme en général, mais aussi de ces grands sujets de débat d’actualité qui animent, jusqu’à parfois très tard, les arrières boutiques d’OKC. 

Par principe et surtout pour ne pas faillir a mon devoir de moine-qui-a-passé-8-ans-à-étudier-le-Bouddhisme-à-la-source™, je vous ai répondu plein de choses sans pour autant en savoir bien plus moi-même. Alors que je cherchais désespérément un moyen pour tarir le flot de contradictions dont je devenais la source, je me suis souvenu d’une lettre décrivant une réunion des responsables d’OKC Europe (jointe ci-dessous pour ceux qui ne s’en souviennent pas) que nous avions reçue de notre frère Lamten en 2006. Cette lettre annonçait que notre Lama avait demandé aux fils de Kangyur Rinpotché d’effectuer une relève spirituelle pour ses disciples et ses centres. C’est avec cela à l’esprit et fort des bénédictions de la venue de Yangsi Rinpotché, que je décidais d’aller les rencontrer moi-même pour clarifier mes réponses qui étaient depuis devenues autant de questions pour moi-même !


Arrivé en Dordogne, j’ai pu rencontrer Jigmé Khyentsé Rinpotché très rapidement. Il nous (mon frère et moi) a reçu pendant près de deux heures, et ce qui en découla, dépassa toutes mes espérances en termes de bonté, de fraicheur et de clarté. Il m’autorisa d’ailleurs à partager une partie de cette conversation avec tous ceux qui se sentent concernés (pour ceux qui veulent l’entendre parler avec une traduction approximative: http://uploading.com/files/b1m5326f/J%2BK.wmv/ (lien mort), sinon lire le transcrit au bas de la page).

Comme certains passages pourraient paraître un peu provocateurs aux yeux de certains, j’aimerais vous rappelez que Jigmé Khyentsé Rinpotché est non seulement le détenteur en titre de la lignée de Kangyour Rinpotché, mais il est aussi un des maîtres que notre Lama vénère le plus et à qui il se réfère pour demander des instructions. De ce fait, je pense sincèrement que son activité pourra clarifier le malaise tangible qui gèle la famille, qui empêche toute ouverture, toute désillusion libératrice des faux-espoirs chimériques, toute communication, toute transparence ou toute vision optimiste du futur…

Je fais donc la requête à tous ceux qui liront ces extraits de l’envisager comme un enseignement, une injonction à enfin oser envisager tous nos préjugés et croyances trop confortablement établis, toutes nos vieilles habitudes transpirant la moisissure égotique émotionnelle, comme terriblement secondaires à côté du véritablement essentiel, nos quêtes personnelles du bonheur véritable : l’entraînement de notre propre esprit (à la base, c’est un peu pour cela que nous sommes là, n’est-ce pas ?).

Je n’insisterai jamais assez sur le fait que nous nous devons d’envisager les choses dans un état d’esprit des plus constructifs. Même si une situation peut nous pousser à en vouloir à quelqu’un, à quoi bon ajouter des couches de rancune et de haine à ce qui est peut-être même parti d’une bonne volonté.

Et puis, la confusion résultant des petites méprises tolérées parce que plus confortables couplée au don inconditionnel de sa personne à l’espoir de ce qui est plus beau que vrai, ne sont-ils pas le propre de l’homme?  De ce fait et s’il vous plaît, repensez deux, ou même dix fois avant de faire et dire quoi que ce soit, et, je vous en supplie, n’acceptez pas d’autres guides que la compassion et la bonté.

La dernière chose qui devrait arriver serait que les conseils attentionnés d’un Maître comme Khyentsé Rinpotché soit transformés en source de plus de souffrance et de confusion. Si nous avons besoin d’être secoués et que quelqu’un a la bonté de le faire, sachons garder notre dignité et ayons le courage de l’accepter en face, cela dans notre propre intérêt. Et surtout, ne nous laissons pas abandonner la réalité pour la lâcheté de retourner une telle occasion en source de plus de triste encore. C’est ce que je pense du fond du cœur.

Pour partager les bénédictions de Rinpotché avec tous les frères et sœurs de notre grande famille, j’ai aussi uploadé ici : http://uploading.com/files/7dd25ff9/STE-031.mp3/ (lien mort) et ici : http://uploading.com/files/b2af92d3/STE-032.mp3/ (lien mort) la matinée de conférence qu’il donna le lendemain de notre conversation, car je la juge très opportune. Si certains d’entre vous qui m’avez posé des questions n’y trouvent pas leurs réponses, je serai heureux de partager en tête à tête celles que Rinpotché m’a accordées lors de notre entrevue.

T.

P.S. : J’aimerais m’excuser pour mon français délabré, et vous prévenir qu’en arrangeant les extraits dans cette petite vidéo, j’ai eu un petit souci technique qui m’a fait remplacer tous les accents par encore plus d’impardonnables fautes d’orthographe. J’ai donc ajouté un transcrit en français juste après la lettre de Lamten.

Voici la lettre (du sécrétaire général de la OKC) :

 

Nouvelles de Dechen Chöling  (le 23/10/2006)


Nous avons eu une réunion à Dechen Chöling avec Me Wouters, Paulo, Cabé et Lamten pour faire le point de la situation de la famille et envisager des éléments pour la suite.

Il s’est fait – et le timing, non prévu, a été très opportun – que Jigmé Khyentsé Rinpotché et Péma Wangyal Rinpotché étaient passés à Dechen Chöling, suite à l’invitation du Lama, juste avant nous (Jigmé Khyentsé Rinpotché est arrivé lundi, il est resté mardi et mercredi et il est parti jeudi matin, Péma Wangyal Rinpotché est arrivé aussi lundi, il est resté un jour de plus pour être un peu avec nous aussi et il est reparti vendredi matin).

L’état du Lama ce caractérise par un grand contraste :
Le Lama est très affaibli, marche très difficilement avec une canne (et il faut en plus le soutenir). Son corps d’emprunt est très abîmé des pieds jusqu’à la tête et particulièrement au niveau du cœur. Il est très difficile de trouver les médicaments appropriés. Il a du changer de médicament pour le cœur, le précédent médicament le protégeait d’une nouvelle crise à 80% mais lui a abîmé la thyroïde, le nouveau ne le protège qu’à 60% et le risque d’embolie fatale est donc encore plus présent. Le Lama n’a même pas pu descendre prendre ses repas avec les Rinpotchés pendant leur séjour, il reste tout le temps dans son fauteuil, il n’est descendu que pour les accueillir et leur dire au revoir.
Mais au niveau de son esprit, le Lama est extrêmement heureux. Car la rencontre avec Péma Wangyal Rinpotché et Jigmé Khyentsé Rinpotché a été une profonde communion, basée sur ce qui a de plus important au monde, leurs racines communes, nos racines communes, c’est à dire Kyabjé Kangyour Rinpotché. Tous les trois Lamas étaient très réjouis d’avoir pu partager ces moments ensemble et d’envisager le futur d’Ogyen Kunzang Chöling à la lumière de cette communion. A la demande du Lama, Jigmé Khyentsé Rinpotché et Péma Wangyal Rinpotché organiseront dès que possible à Nyima Dzong une retraite ouverte de 5 ans, adaptée donc à ceux qui souhaitent pratiquer sérieusement tout en continuant leurs activités. Et ils veilleront à continuer à inviter différents Maîtres dans nos centres.

Le Lama a vécu une expérience particulière vis à vis de Jigmé Khyentsé Rinpotché. Quand celui-ci lui parlait de son père, Kyabjé Kangyour Rinpotché, le Lama voyait les traits de Jigmé Khyentsé Rinpotché se dissoudre en différents luminosités desquelles apparaissaient alors les traits de Kyabjé Kangyour Rinpotché, manifestant différentes expressions selon ce que Jigmé Khyentsé Rinpotché exprimait lui-même. Cette expérience a beaucoup réjoui le Lama. Le Lama nous a fait part du fait que Jigmé Khyentsé Rinpotché était également un grand érudit, qu’il avait reçu directement de Sa Sainteté le Dalaï Lama le titre de Guéshé Lharampa – le plus haut degré d’études dans le Bouddhisme Tibétain – et que ses connaissances embrassaient les quatre écoles du Bouddhisme Tibétain dans un esprit tout à fait Rimé, non-sectaire.

Jigmé Khyentsé Rinpotché a une perception très aiguë de la souffrance physique du Lama. Le Lama hésitait à prendre des médicaments chimiques car, n’en ayant jamais pris, il craignait qu’ils puissent amoindrir, en jouant sur l’électrochimie du corps, la clarté de son esprit au moment de son passage en transition. Or le Lama tient a utiliser au maximum ce moment crucial pour sa pratique au bénéfice de tous. Mais Jigmé Khyentsé Rinpotché, qui a lui-même une grande expérience de l’utilisation des remèdes chimiques, a rassuré le Lama a ce sujet. Il en résulte que le Lama acceptera dorénavant de prendre tous les médicaments chimiques nécessaires, ce qui pourrait avoir comme résultat de lui permettre de rester plus de temps parmi nous. Mais il reste bien sûr à trouver l’association qui convient des différents médicaments, c’est à dire qui protège le cœur sans abîmer d’autres organes ou fonctions vitales.

Jigmé Khyentsé Rinpotché a aussi rassuré le Lama quant au fait de se retrouver dans une chambre froide après son passage en transition ; cette situation n’empêche en rien le « thoukdam », méditation réalisée au moment de la mort et pendant les jours qui suivent et au cours de laquelle ont peut observer que la région du cœur reste chaude.

La maison du Lama a beaucoup plu à Jigmé Khyentsé Rinpotché, qui n’y était jamais allé. Il l’a voit comme un endroit très harmonieux et très propice à la pratique. Il y a un grand silence dans la maison, un grand calme, on n’y parle toujours à voix basse, et en chouchoutant quand on est près de là où se trouve le fauteuil du Lama. On y pratique beaucoup, on y fait beaucoup d’offrandes, il y a une atmosphère très particulière. Le Lama se réjouit que cette maison ait plut aux Rinpotchés, on devrait ainsi pouvoir la garder telle qu’elle est après son départ.

Le Lama nous a dit qu’il voit clairement sa maladie comme un bénédiction de Kyabjé Kangyour Rinpotché. Elle lui a permis d’approfondir davantage sa vue et de s’émerveiller davantage de la capacité d’éveil qui nous est propre ainsi qu’à chaque être vivant. Nous possédons tous cette capacité d’éveil et même le pire des bandits pourrait s’éveiller dans l’incarnation s’il faisait le nécessaire. Et c’est cette capacité d’éveil que nous partageons tous qui fait que tous les êtres sont nos proches parents. Cette contemplation réjoui constamment le Lama et lui fait oublier les souffrances intenses de son corps d’emprunt.

Le Lama nous a dit aussi qu’il avait, assis sur son fauteuil, encore plus de temps pour faire défiler devant lui, l’un après l’autre, tous les frères et sœurs de notre Famille. Et malgré sa grande fatigue, le Lama essaie de rassembler et conserver le peu d’énergie qui lui reste pour un projet, celui de réunir encore une fois toute la famille d’Ogyen Kunzang Chöling pour nous enseigner. Et si sa santé le lui permet, peut-être déjà au printemps prochain.

 

Et voici le transcrit de l’enregistrement :

«Rinpotché : Il y a peu, on m’a demandé de venir à Nyima-Dzong. J’ai dit à Jean-Louis et aux autres que si je venais, il faut que cela ait un sens. J’y suis déjà allé à deux reprises, ils m’ont dit vouloir méditer. Je leur ai répondu : ‘‘Si vous ne méditez pas, je n’ai rien à faire ici.’’ L’endroit, il est vrai, est plutôt agréable, mais à part cela, ce n’est qu’une montagne déserte… Parler pendant quelques jours à quelques personnes âgées, il n’y a rien d’extraordinaire à cela, leur ai-je répondu.

C’est peut-être en suite de cela que Jean-Louis est venu ici en Dordogne. Il y a quelques jours, je leur ai dit au téléphone : ‘‘vous me demandez de venir à Nyima-Dzong, mais que dois-je y faire ? Si vous en retirez vraiment quelque chose, je veux bien venir. Sinon, a quoi bon ?’’ Un jour, Rui m’a demandé de rendre visite à Lama Kunzang de toute urgence. J’y suis allé, et nous avons pu communiquer très ouvertement. […] Il a écrit un livre et m’a demandé ce que j’en pensais. Je lui ai proposé d’étudier ‘‘les 37 Pratiques’’ pendant un ou deux ans, puis de reprendre son livre, et qu’alors il pourrait juger par lui-même. Ensuite, il m’a demandé de m’occuper de Nyima-Dzong et de ses centres. Plus tard, Rui me l’a redemandé avec insistance. Je lui ai dit que je n’étais pas à la recherche d’associations à superviser. Si c’est pour dire aux gens du centre de faire ceci ou de ne pas faire cela, de renvoyez ou de gardez telle personne… Sachez que ce n’est pas mon rôle. Par contre, en ce qui concerne le Dharma, je ferai ce qu’il y a à faire. Mais avant tout, je lui ai dit de parler aux jeunes. De leur demander ce qu’ils veulent. …jusqu’à maintenant je n’ai pas eu de nouvelles.

(T : Ah bon, nous n’avons rien entendu de tout cela.)

Rinpotché : J’avais demandé à Rui d’aller voir si les jeunes ont un projet qui leur tient vraiment à cœur. Que ce soit en ce qui concerne Nyima-Dzong, Vajra, ou les autres activités, dans le futur, veulent-ils continuer ? Ou peut-être veulent-ils tout arrêter ? Demande-leur. Personnellement, que ce soit Nyima-Dzong, Vajra, ou même le temple en Belgique, quelques bâtiments vides ne m’intéressent pas plus que cela. Par contre, si ceux qui y vivent veulent, eux, pratiquer le Dharma, et désirent réellement vivre le Dharma, alors je suis prêt à les aider.

(T : est-ce que je peux dire ce que vous dites à ceux qui m’ont posé des questions ?)

Rinpotché : Si tu veux, mais tu risques de t’attirer des problèmes ! On t’accusera d’avoir inventé tout cela ! Quoi qu’il en soit, de manière générale, à Nyima-Dzong, à Vajra, et dans les autres secteurs, on pense que je ne les aime pas du tout ! Cela ne fait rien, cela ne me dérange pas… Mais, ce que je veux qu’ils sachent en essence, c’est qu’on m’a demandé d’aider les centres. Et pour cela, il faut que je sache ce qu’envisage de faire réellement chacun de ceux qui veulent habiter là-bas, de ceux qui y habitent déjà et surtout les jeunes. … jusqu’à maintenant, je n’ai reçu aucune nouvelle. Je ne sais même pas si ce que les jeunes disent aux anciens est vraiment ce qu’ils pensent, ou si au contraire, ce n’est pas du tout ce qu’ils pensent. Je n’en ai vraiment pas la moindre idée. Je suis prêt a écouter tous ceux qui habitent les centres, tous ceux qui veulent être à Vajra ou qui y travaillent, et tous ceux qui sont à Nyima-Dzong ou à Bruxelles, s’ils ont un projet ou des idées qui proviennent directement d’eux-mêmes. Mais au contraire, si c’est encore la même poignée de personnes impliquées depuis trop longtemps qui mettent mon nom en avant pour faire d’autres choses derrière, cela ne m’intéresse pas du tout !

(D : ah bon…)

 Ils sont fort doués ! Ils ont appris ça il y a longtemps déjà… Mais il faut les comprendre, les pauvres… ils ont une foi inébranlable en leur Lama. Nous-mêmes, nous ferions la même chose pour nos maîtres, n’est-ce pas ? Si, par exemple, pour servir un de nos Maitres comme Kyabjé Khyentsé Rinpotché, nous étions forcés d’agir avec violence, nous le ferions n’est-ce pas ? Au fond, cela n’a rien de vraiment mal en soi, mais je me suis dit que si les choses continuaient ainsi, à long terme, cela pourrait nuire à la doctrine du Bouddha, et spécialement à la lignée de nos Maîtres. C’est pour cela que j’avais pensé ne pas aider… A part cela, prêter son nom n’a rien de vraiment difficile, n’est-ce pas ? Vous me diriez que ce ne sont pas mes affaires, mais si cela cause des problèmes au Bouddhisme, et surtout si cela souille le nom de Gourou Rinpotché, c’est très délicat, n’est-ce pas ? Par le passé, quand on disait Ogyen Kunzang Choling, quand on y pensait, cela évoquait quelque chose… Maintenant quand je pense à OKC, quand j’entends prononcer le mot OKC, je ne pense plus du tout à Kangyour Rinpotché ou à Darjeeling. Maintenant quand on dit OKC, il me vient à l’esprit Vajra, les autres activités, et toute la confusion qui tourne autour. Tout cela n’est pas très constructif, n’est-ce pas ? Maintenant, s’ils sont intéressés par le Bouddhisme, et si certains d’entre eux se sentent liés à la lignée de Kangyour Rinpotché et de Kyabjé Khyentsé Rinpotché, s’ils sont inspirés par la lignée et par les activités de ces Maitres, vous pouvez leur en parler. Que ce soit par l’intermédiaire de l’un ou de l’autre d’entre vous, dites-leur que nous pouvons établir un contact. Mais, je n’attends pas qu’ils viennent… je n’attends pas en espérant qu’ils me contactent. Quoi qu’il en soit, ils peuvent me contacter s’ils le veulent, et puis nous nous verrons dès que nous en trouverons le temps. Pour cela, il n’y a pas de problème !

(T : je pense qu’il y aura quelques intéressés…)

Rinpotché : Dis le leur… Mais qu’il soit bien clair que je ne demande à personne de ne plus faire confiance à Lama Kunzang. Si certains ne voient plus trop clair, et cherchent de l’aide, je verrai si je peux les aider. Mais je ne suis pas du tout certain de pouvoir le faire.

(T : tout cela regarde surtout les jeunes, n’est-ce pas ?)

Rinpotché : Oui, le futur c’est les jeunes, n’est-ce pas ? Oy, tu enregistres ?

(D : j’ai laissé l’enregistreur…)

Rinpotché : Tu l’as laissé sur ‘‘pause’’ ou sur ‘‘stop’’ ?

(D : non.)

Rinpotché : Ah, tu enregistres, partages ça avec tout le monde…»

Voila, D et moi sommes en Dordogne pour encore quelques jours, si vous voulez faire passer un message quelconque a Rinpoche, n’hesitez pas a nous contacter…

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